L’histoire du Rite Écossais Ancien et Accepté en France est largement tributaire des conditions de son implantation dans notre pays au début de l’Empire.
Pour faire vivre le Suprême Conseil qu’il fonda en 1804, Grasse-Tilly pensa à s’appuyer sur des Loges qui pratiquaient un autre Rite Écossais, le Rite Écossais Philosophique et qui avaient refusé de s’agréger au Grand Orient de France, celui-ci ne reconnaissant alors que le Rite Moderne ou Rite Français.
La première conséquence de cette décision fut de transformer le Suprême Conseil d’une Juridiction de hauts grades (du 4e au 33e) en une Obédience gérant également des Loges symboliques. Jusqu’en 1894, le Suprême Conseil administra l’ensemble des Loges et des grades du 1er au 33e degré. Ce n’est qu’avec regret et difficulté qu’il accepta l’indépendance de ses Loges symboliques regroupées en Grande Loge en 1894.
La seconde conséquence découla de la première : pour gérer administrativement Loges et degrés symboliques (Apprenti, Compagnon, Maître) le Suprême Conseil codifia des rituels pour ces degrés à partir de la fin des années 1820 affirmant ainsi son autorité dogmatique sur ceux-ci.
Même après la séparation entre Juridiction Écossaise et Obédience symbolique, la tentation du Suprême Conseil d’intervenir et de régenter les Loges symboliques fut aussi longtemps une constante de l’histoire du Rite en France. Or une telle ingérence est fondamentalement contraire aux principes présidant à la reconnaissance de la régularité d’une Obédience, tels que fixés par la Grande Loge Unie d’Angleterre, Grande Loge mère du Monde.
L’autre évènement majeur de cette période résulta de la volonté impériale de centralisation, en l’occurrence ici de centralisation de la Maçonnerie française sous l’égide du Grand Orient de France et de son chef réel, à savoir Cambacérès, principal collaborateur de l’Empereur. La signature d’un concordat en 1805 entre les deux Puissances maçonniques masquait mal la volonté des uns, les Écossais, de rester indépendants et des autres de les absorber.
L’échec du concordat se traduisit tout au long du XIXe siècle, mais aussi d’une partie du XXe siècle par un jeu subtil de relations fraternelles et d’intervisites et de tentatives d’absorption de la part du Grand Orient.
Dans ses conflits périodiques avec le Grand Orient, le Suprême Conseil pu arguer de son universalité et de sa reconnaissance par les autres Suprêmes Conseils pour opposer ses spécificités, d’autant plus après qu’en 1877, le Grand Orient ait abandonné l’obligation de référence au Grand Architecte de l’Univers, principe fondamentale de la régularité maçonnique.
Toutefois, après la Seconde Guerre Mondiale, l’irrégularité dans laquelle se trouvait le Suprême Conseil et la Grande Loge de France faisait peser une menace croissante d’isolement vis-à-vis des autres Juridictions, notamment nord-américaines. Justement sensibilisé à cette situation, le Grand Commandeur Riandey provoqua la crise en 1964 à l’occasion de la signature d’un Traité d’alliance entre le Grand Orient et la Grande Loge, amenant près de 800 Frères à rejoindre avec lui la Grande Loge Nationale Française, seule Obédience reconnue régulière de notre pays, et à reconstituer un Suprême Conseil avec l’appui des Suprêmes Conseils des Juridictions Sud et Nord des États-Unis, du Canada et des Pays-Bas.
Semblant présenter toutes les garanties de régularité, puisque respectant les Lois fondamentales de l’Ordre et ne recrutant que des Maîtres Maçons réguliers, ce nouveau Suprême Conseil fut progressivement reconnu par l’ensemble de la communauté mondiale de l’Écossisme. Toutefois, conservant les habitudes héritées de l’histoire, il n’hésita pas à tenter d’intervenir à plusieurs reprises dans le fonctionnement de la G.L.N.F.
Ceci fut particulièrement vrai durant la crise que traversa cette dernière dans les années 2009-2012. S’érigeant en juge de la régularité maçonnique, il décida d’accepter en son sein des membres d’une Obédience irrégulière, contrevenant aux Lois fondamentales de l’Ordre, il reconnue et conclue une alliance avec un autre Suprême Conseil français. Enfin, s’opposant à la tradition universaliste de l’Ordre, il tenta de diviser la communauté mondiale Écossaise.
Une telle situation conduisit, en 2014, trois Souverains Grands Inspecteurs Généraux, soutenus et encouragés par de nombreux Frères fidèles aux règles de la Maçonnerie et de l’Écossisme, à fonder un nouveau Suprême Conseil, considérant l’irrégularité manifeste des Suprêmes Conseils existant.
Un traité d’Amitié signé avec la G.L.N.F. en 2016 ancrait alors le Suprême Conseil National de France dans la régularité maçonnique la plus pure, tandis que le respect scrupuleux des Constitutions de Bordeaux (1762) et de Bordeaux (1786) l’inscrit totalement dans la régularité Écossaise.
Reconnu depuis 2018 par près de quarante Suprêmes Conseils, implanté sur tout le territoire national, métropole et outremers, connaissant une croissance de 10% par an, le Suprême Conseil National de France tient aujourd’hui une place majeure dans le paysage maçonnique français et international.
1804 : Revenu d’Amérique, Alexandre-François-Auguste Comte de Grasse, Marquis de Tilly, membre du Suprême Conseil de Charleston et Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil des Antilles françaises fonde à Paris le premier Suprême Conseil de France (15 octobre).
Le 22 octobre, est fondée la Grande Loge Générale Écossaise par la Mère Loge Écossaise Saint Alexandre d’Écosse et du Contrat Social. Elle regroupe des Loges ayant refusé de rejoindre le Grand Orient de France, pratiquant le Rite Écossais Philosophique et ayant vocation à « alimenter » le Suprême Conseil. En contrepartie, le Suprême Conseil va intégrer au sein du Rite les trois premiers degrés (Apprenti, Compagnon, Maître), à la différence de ce qui se pratique aux États-Unis et dans une large majorité de Suprêmes Conseils.
Le 1er décembre, le frère de Napoléon, Louis Bonaparte est nommé Grand Maître de la Grande Loge Générale Écossaise, Grasse-Tilly est son représentant. Parmi les dignitaires : les Maréchaux Kellerman, Masséna, Sérurier, Lefebvre.
Le 5 décembre, ratification d’un « Acte d’Union » ou Concordat entre le Grand Orient et la Grande Loge Générale, imposé par l’Empereur.
1805 : Après que le Grand Orient ait modifié unilatéralement le Concordat et que la Grande Loge Générale Écossaise l’ait, en rétorsion, suspendue, un accord est trouvé en octobre. Le Grand Orient gère les grades jusqu’au 18e inclus, le Suprême Conseil les autres degrés.
1815 : Avec la chute de l’Empire, le Suprême Conseil se met en sommeil, après avoir toutefois repoussé les offres de fusion du Grand Orient et consacré « définitivement l’indépendance du Rite Écossais ».
1821 : Refondé par Grasse-Tilly à partir du Suprême Conseil des Antilles Françaises (devenu S.C. d’Amérique), le Suprême Conseil de France reprend force et vigueur et fonde en son sein la Loge de la Grande Commanderie, qui deviendra en 1822 la Grande Loge centrale du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Le Comte de Valence est le Grand Commandeur (1821-1822) ; lui succèderont le Comte de Ségur (1822-1825), le Duc de Choiseul-Stainville (1825-1838), le Duc Decaze (1838-1860), puis l’Académicien Jean-Pons Viennet (1860-1868).
1862 : Napoléon III désigne par décret le Maréchal Magnan comme Grand Maître du Grand Orient afin de résoudre le conflit d’élection entre le Prince Murat et le Prince Jérôme-Napoléon. Le décret parlant de « l’ordre maçonnique », le nouveau Grand Maître intime l’ordre au Grand Commandeur Viennet d’intégrer les Loges du Suprême Conseil au sein du Grand Orient. Le refus répété du Grand Commandeur est tranché favorablement par l’empereur.
1875 : À l’initiative du Suprême Conseil de France et de son Grand Commandeur Adolphe Crémieux (1869-1880) est réuni à Lausanne un premier convent universel auquel ne participent que neuf des vingt-deux Suprêmes Conseils existant. La tentative de substituer la mention d’un « principe créateur » à l’obligation traditionnelle de croyance en Dieu échoua, ainsi que l’idée d’une confédération internationale des Suprêmes Conseils, aucun Suprême Conseil n’ayant ratifié les conclusions de ce convent. Seules les Constitutions de Bordeaux et celles de Berlin demeurent les Lois fondamentales de l’Ordre.
1894 : Cédant à la pression de ses Loges symboliques, le Suprême Conseil délègue ses pouvoirs sur les Loges symboliques à la Grande Loge de France fondée à cette occasion. Elle ne deviendra autonome qu’en 1904 quand le Suprême Conseil cessera de délivrer les patentes des Loges symboliques, mais le rôle et l’influence directe du Suprême Conseil sur la Grande Loge demeureront et demeurent encore.
1964 : En septembre, la ratification d’un Traité d’Alliance et d’Amitié entre le Grand Orient de France et la Grande Loge de France par le Convent de celle-ci conduit le Suprême Conseil à lui retirer le droit de se dire du Rite Écossais Ancien et Accepté et une minorité importante du Conseil Fédéral de la Grande Loge démissionne.
Convaincu grâce à ses contacts internationaux qu’un Suprême Conseil est régulier à la condition de recruter ses membres uniquement au sein d’une Obédience reconnue régulière, comme il le dit lui-même, le Grand Commandeur Charles Riandey noue des contacts avec l’Obédience reconnue régulière en France, la G.L.N.F.
Dans des conditions assez obscures, la majorité du Suprême Conseil désavoue son Grand Commandeur et le destitue. En prenant acte de cette situation, les Suprêmes Conseils de la Juridiction sud (mother Council of the World), de la Juridiction nord, du Canada et des Pays-Bas encouragent le Grand Commandeur à refonder le Suprême Conseil après avoir été régularisé par la G.L.N.F.
1965 : Les 1er et 9 février, Charles Riandey et une quinzaine de Frères sont régularisés dans la Loge Villard de Honnecourt n°81 (et non ré-initiés, comme on peut le lire parfois).
Le 13 février, actant l’irrégularité du Suprême Conseil de France, Charles Riandey et neuf Frères sont régularisés du 4e au 33e degrés par le Suprême Conseil des Pays-Bas à Amsterdam.
Le 24 avril, le Suprême Conseil pour la France est installé par le Suprême Conseil des Pays-Bas en présence des Juridictions américaines et du S.C. du Canada. Il ne recrute alors ses membres qu’au sein de la Grande Loge Nationale Française, seule Obédience reconnue régulière en France.
2012 : Le Suprême Conseil Pour la France décide d’ouvrir son recrutement à une Obédience maçonnique dont il a soutenu la fondation, qui, à ce jour encore, n’est reconnue par aucune Obédience Maçonnique régulière dans le monde et qui, en 2014, a signé un protocole d’inter-visite avec le Grand Orient de France. En contradiction absolue avec les Grandes Constitutions de 1786, il reconnaitra même un autre Suprême Conseil sur le territoire français en signant un protocole d’inter-visite avec le Suprême Conseil de France en 2018.
Ces décisions marquées du sceau de l’irrégularité la plus flagrante conduit de nombreux Frères membres du Suprême Conseil Pour la France à quitter celui-ci.
2014 : Le 28 septembre, des Frères titulaires du 33e et dernier degré du Rite annoncent jeter les bases d’un nouveau Suprême Conseil, respectueux des Constitutions de 1762 et de 1786 et n’acceptant que des Maîtres Maçons membres d’une Obédience maçonnique reconnue régulière : le Suprême Conseil National de France.
2016 : Le Suprême Conseil National de France signe un traité d’amitié avec la Grande Loge Nationale Française.
2018 : Le 6 octobre, quatre Suprêmes Conseils installent officiellement le Suprême Conseil National de France, en présence de trois autres Suprêmes Conseils. Cet acte faisait entrer de plein droit le S.C.N.D.F. dans la grande communauté internationale régulière du Rite Écossais Ancien et Accepté.
2020 : Les 23 et 24 avril, les Suprêmes Conseils des Juridictions Sud et Nord des États-Unis reconnaissent à leur tour le Suprême Conseil National de France. Premier Suprême Conseil de l’histoire, le Suprême Conseil de la Juridiction Sud, , Mother Council of the World, est l’autorité incontestée de la régularité des autres Suprêmes Conseils.
À ce jour, le Suprême Conseil National de France est en amitié avec trente-neuf Suprêmes Conseils d’Europe, d’Amérique et d’Afrique. Il connaît une croissance annuelle de ses membres de l’ordre de 10% et est présent sur tout le territoire métropolitain, ainsi que dans les Outremers.